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26 février 2012 7 26 /02 /février /2012 18:18

Question n°4143

 

As salâmu ‘alaykum wa rahmatu Allah, 

 

Quelle est l’authenticité du récit qui relate que ‘Umar (qu’Allah l’agrée) a cessé de faire appliquer la peine légale du voleur durant l’année de disette (appelée ar-ramâda) ? Et comment comprendre alors le hadith du Prophète (salla Allahou ‘alayhi wa sallam) qui dit : « J’ai demandé à Mon Seigneur de ne pas infliger à ma communauté une sécheresse qui l’affamerait et Il accéda à ma demande. »

 

Qu’Allah vous récompense par le bien.

 

Abû Anas Al Mûsilî.

 

 

Réponse : 

 

Wa ‘alaykum assalâm wa rahmatu Allah wa barakâtuh,

 

Louanges à Allah, prières et salutations sur le Messager d’Allah (salla Allahou ‘alayhi wa sallam).

 

Ce qui est rapporté au sujet de ‘Umar (qu’Allah l’agrée) ne relève en rien de l’annulation de la peine du voleur [de façon absolue], cela s’inscrit plutôt dans le cadre du [principe juridique qui stipule que] les peines légales sont levées en présence d’ambiguïtés [1]. Il s’agit d’une règle [nécessaire à observer] lors de l’application de [l’ensemble] des peines légales.

 

En effet, durant l’année de disette, les nécessiteux et les gens dans le besoin furent nombreux, il était alors difficile de faire le distinguo entre celui qui volait par [réel] besoin et celui qui pouvait se passer du vol [pour se nourrir], raison pour laquelle ‘Umar (qu’Allah l’agrée) évita au voleur l’amputation de la main cette année-là.

 

Après avoir mentionné que ‘Umar (qu’Allah l’agrée) fit suspendre l’amputation de la main du voleur en cette année, Ibn Al Qayyim, dans "I’lâm al Muwaqqi’în", dit : « As-Sa’dî dit : « Hârûn Ibn Ismâ’îl nous rapporta que ‘Alî Ibn Al Mubârak dit que Yahyâ Ibn Abi Kathîr lui raconta que Hasân Ibn Zâhir lui narra que ‘Umar (qu’Allah l’agrée) dit : « Pas d’amputation pour le vol [des fruits] d’un palmier (al ‘idhqou) ni lors d’une année de sécheresse (‘âma sana) ». 

As-Sa’dî dit : « J’interrogai Ahmad Ibn Hanbal au sujet de ce hadîth ».

Il me dit : « al ‘idhq désigne les palmiers et sana désigne la famine ». 

Je lui demandai ensuite : « C’est l’avis que tu adoptes ? » 

Il dit : « Oui, certainement ». Je dis [alors] : « S’il vole pendant la famine, on ne lui ampute pas la main ? »

Il dit : « Non, dans la mesure où c’est la nécessité qu’il l’a poussé à voler et que les gens souffrent de la famine et d’une grande difficulté. »» 

 

Al Awzâ’î s’accorde avec Ahmad pour dire que l’amputation de la main est suspendue en cas de famine…

 

Il était question pour ‘Umar (qu’Allah l’agrée) de procéder à une pure analogie et d’agir conformément aux principes de la législation. En effet, lors d’une année de disette et de difficulté extrême, la plupart des gens sont dans le besoin et la nécessité, et presque aucun voleur n’est épargné d’une nécessité le poussant à voler pour calmer sa faim. 

 

De plus, le propriétaire d’un bien est tenu de donner [à l’affamé de quoi manger], que ce soit à titre onéreux ou à titre gratuit selon la divergence à ce sujet. Et l’avis le plus juste est qu’il doit le faire gratuitement en raison de l’obligation de secourir et de sauver les vies lorsque l’on en est capable ainsi que [l’obligation] de prêter assistance à celui qui fait face à un besoin essentiel. Ce point constitue donc une ambiguïté très forte empêchant l’application de l’amputation de la main de celui qui est dans le besoin [de se nourrir]. Cette ambiguïté est d’ailleurs beaucoup plus forte que celles citées par bon nombre de juristes. Et si on la compare à ce qu’ils ont cité, le décalage paraîtra évident. 

 

En effet, toutes les autres ambiguïtés évoquées comme le fait de dire [que dans un tel contexte] l’objet volé fait partie des choses rapidement périssables, que l’objet volé est assimilable à l’eau qui relève du domaine [du commun] qu’il est permis de consommer, prétendre que celui qui soustrait l’objet volé à autrui à un droit de propriété dessus sans preuve, que le produit volé a été dégradé à l’intérieur du lieu où il fut conservé (al hirz) [2] en étant mangé, trait d’une bête, ou que sa valeur monétaire a diminué à l’intérieur du lieu il fut conservé car ayant été égorgé ou brûlé avant d’être emporté à l’extérieur et d’autres choses encore lesquelles constituent toutes des arguments faibles, ne peuvent se mesurer à l’ambiguïté que nous avons citée.

 

D’autant plus que l’affamé est autorisé à malmener le propriétaire d’un bien en vue d’obtenir ce qui lui permet de calmer sa faim. Et en année de disette, les nécessiteux et les gens dans le besoin sont si nombreux, qu’il est difficile de distinguer celui qui pourrait se passer du vol et qui vole sans réel besoin, du reste des voleurs. Il subsiste dès lors un sérieux doute quant à savoir qui mérite l’application de peine légale du voleur et qui ne la mérite pas, en conséquence de quoi, la peine est suspendue. Bien entendu, s’il est prouvé qu’un voleur a volé sans réel besoin et tout en ayant de quoi se passer du vol [pour se nourrir], il est alors passible de la peine d’amputation ». (Fin des propos d’Ibn Al Qayyim)

 

Concernant le athar mentionné par Ibn Al Qayyim d’après ‘Umar qui a dit : « Pas d’amputation pour le vol [des fruits] d’un palmier (al ‘idhqou) ni lors d’une année de sécheresse (‘âma sana) », nous l’avons étudié et en avons conclu qu’il n’était pas attribuable de façon certaine à ‘Umar. 

 

En outre, cheikh Al Maqdisî dans « Imtâ’ an-Nadhar » dit : « L’agissement de ‘Umar durant l’année de disette est un pur ijtihâd pour lequel il sera doublement récompensé Inchâ²aAllah… Certainement, et sans l’ombre d’un doute, son jugement était conforme à ce qu’Allah a révélé. Il ne saurait en être autrement puisqu’une telle attitude relève de la prise en compte des objectifs de la législation divine (Maqâsid ach-Charî’a). 

 

En effet, le Prophète (salla Allahu ‘alayhi wa sallam) fut envoyé, le Livre fut révélé et les peines légales légiférées afin de réaliser les objectifs de la Charî’a. Ceux-ci consistent en la préservation des principaux intérêts légaux de l’individu, à réaliser les plus importants d’entre eux et à repousser tout mal qui y porterait atteinte. Ces objectifs légaux sont régis par des règles [bien définies] et extraits à partir de l’effort d’induction (al istiqrâ²) pratiqué sur les textes scripturaires. Contrairement donc à ce que pourrait s’imaginer les ruwaybida [3] faibles d’esprit, les objectifs de la Charî’a ne sont nullement le fruit de passions ou d’appréciations humaines…

 

Parmi les objectifs que la Chari’a est venue préserver, il y a des objectifs qui relèvent des nécessités ultimes [dites universelles], d’autres qui relèvent de l’ordre du besoin ou d’autres encore, qui sont du domaine de l’appréciable et du complémentaire.

 

Les nécessités [dites] universelles sont, [dans l’ordre,] au nombre de six : La religion, la vie, la raison, la filiation, l’honneur et les biens. Ces intérêts sont les plus importants dans l’absolu, à leur tête et en premier de lieu, figure la religion, c'est-à-dire le tawhîd. 

 

Ainsi, lorsque l’une de ces nécessités s’oppose à un intérêt qui relève de l’ordre du besoin ou de ce qui est complémentaire, la nécessité prend incontestablement le dessus sur les autres intérêts. En revanche, lorsque deux intérêts relevant des nécessités universelles s’opposent, est alors privilégié la préservation de la nécessité la plus grande et la plus importante dans la hiérarchie. Et ce, conformément à la règle qui stipule que lorsque deux intérêts s’opposent, l’on renonce à l’intérêt moindre [au profit du plus grand] et conformément à la règle qui préconise qu’il faille repousser le plus grand d’entre deux maux par la réalisation du moindre mal.

 

En somme, il est question d’un grand chapitre dans le domaine de la jurisprudence et de l’un des plus grands objectifs que législation d’Allah, son jugement et ses fondements juridiques sont venues défendre. Celui à qui Allah a facilité la compréhension et la connaissance de ce principe, a été guidé vers la connaissance de bon nombre de secrets de la législation divine et de ses jugements. Nul doute que la compréhension de ce point et son application à une réalité contextuelle donnée relève des fondements de la Chari’a et du jugement selon ce qu’Allah a révélé. De ce fait, l’ijtihâd de ‘Umar durant l’année de disette ne sort pas de ce cas de figure. 

 

En effet, l’intérêt de préserver la vie fut privilégié à l’intérêt de préserver les biens lorsqu’ils se trouvèrent en opposition. Les gens subissaient une crise extrême qui fait que « la nécessité supplante l’interdiction [4]». 

 

Manger le produit volé était alors semblable au fait de manger la viande d’une bête morte, chose permise dans un tel contexte, voire même obligatoire (d’après l’avis d’un groupe de savants) si le risque de périr sans cela est avéré. D’ailleurs, celui qui délaisse une telle possibilité aura désobéi en s’étant suicidé comme le dit Ibn Hazm. Ce dernier s’appuya sur le verset suivant : « Et ne vous tuez pas vous-mêmes. » [5] Il dit aussi : « C’est un principe général qui englobe tout ce que cette expression renferme »».

 

Ainsi, ‘Umar (qu’Allah l’agrée) a agi du mieux qu’il pouvait, il a repoussé le pire d’entre deux méfaits par la réalisation du moindre. Et il a protégé le plus grand des deux intérêts (la survie des individus et leurs personnes) au détriment de l’intérêt moindre (leurs biens) lorsqu’ils se trouvèrent en opposition lors des circonstances particulières de cette période. Evidemment, cela relève de la bonne compréhension religieuse de ‘Umar qui a fait prévaloir les objectifs de la Charî’a, a protégé ses intérêts et ses « nécessités universelles ». Car justement, les peines légales ne furent établies à la base, que pour protéger, réaliser et repousser tout préjudice portant atteinte à ses nécessités-là.

 

Voilà pourquoi Ibn Al Qayyim a dit que la décision de ‘Umar était : « conforme aux principes de la législation ».

 

Quant à la difficulté que tu sembles avoir rencontrée pour concilier ce qui se passa durant l’année de disette avec le hadith que tu as cité, sache qu’en consultant plupart des célèbres recueils de tradition prophétique, je n’ai pas rencontré ce hadith dans les termes que tu as rapportés à savoir: «J’ai demandai à Mon Seigneur de ne pas infliger à ma communauté une sécheresse qui l’affamerait et Il a accédé à ma demande ». En fait, ce que l’on retrouve dans le recueil authentique de Muslim (14/2215) et d’autres est la narration suivante : «J'ai demandé à mon Seigneur de ne pas faire périr ma communauté par une année de disette généralisée, ni de les soumettre à un ennemi qui ne soit pas des leurs et qui n'épargnerait pas grand nombre d'entre eux. Mon Seigneur à accédé à ma demande : « Ô Mohammed, J'ai arrêté mon décret et Mes décisions ne peuvent être révoquées : ta communauté ne périra pas par une année de disette… »

 

L’imam Al Baghawî, dans "Charh as-Sunna" (14/216), a  commenté comme suit la parole du Prophète (salla Allahou ‘alayhi wa sallam) disant : « « Ne pas faire périr ma communauté par une année de disette généralisée (sana ‘âmma) » : « sana » désigne la sécheresse et la famine. L’invocation consiste à demander à ce que la disette ne les afflige pas tous au point où personne ne survivrait. Quant au fait qu’un groupe de musulmans souffre de famine alors qu’un autre groupe profite de terres fertiles, cela sort du cadre de cette invocation. »

 

L’imâm An-Nawawî dans le commentaire de ce hadith dit : « Le sens étant de ne pas faire périr sa communauté par une disette qui les frapperait tous de manière généralisée. Ainsi, si une sécheresse se produit, cela se limite à un endroit particulier sans toucher le reste des régions du monde musulman».

 

Or, il est connu que la famine durant l’année de disette a frappé les gens du Najd et du Hijâz seulement et non l’ensemble des régions de l’Etat islamique de l’époque. 

 

Et Allah demeure Plus Savant. Prières et salutations sur notre Prophète Muhammed ainsi que sa famille et ses Compagnons. 

 

Cheikh Abû Dharr As-Samharî Al Yamânî.

 

 

 

[1] NDT : En arabe : Tudra²ou al Hudûdu bi ch-Chubuhât

[2] NDT : On entend par hirz, le lieu on met un objet qu’on possède en sûreté, comme la maison, la boutique, l’étable, l’enclos etc. En effet, le critère de la prise en compte du hirz a, selon les savants, une influence sur le verdict prononcé à l’encontre de celui qui soustrait un bien à autrui.

[3]NDT : Ruwaybida, selon une expression prophétique, il s’agit de l’homme insignifiant qui a peu de science qui prend la parole au sujet d’affaires d’ordre public.

[4] NDT : En arabe : Ad-Darûrâtu tubîhu al Mahdhurât.

[5] Sourate 4, verset 29.

 

 

Texte original

 

Traduction: Oum Ishâq

Relecture et correction: Oum_Mou'âwiya

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