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23 septembre 2012 7 23 /09 /septembre /2012 21:20

Question n°6519


Au Nom d’Allah, le Tout-Miséricordieux, le Très-Miséricordieux.

Vos éminences,

As-salamû ‘alaykum wa rahmatu Allah wa barakâtuh,

Ma question est la suivante : est-il permis d’ouvrir un établissement spécialisé dans la roqya char’iyya [1] afin que les musulmans sachent vers qui se tourner pour se faire soigner [des maux occultes] de façon légale. A noter qu’il y a beaucoup de charlatans et de sorciers dans notre ville (sud de la Tunisie) et vous n’êtes pas sans savoir à quel point les gens d’ici étaient éloignés de la croyance saine jusque-là. Notre intention est donc de dissuader les gens d’avoir recours à la sorcellerie et par la même occasion, d’en faire un endroit de prédication afin d’orienter les gens sur la bonne voie (manhaj salîm).

Qu’Allah vous bénisse, qu’Il nous fasse profiter de votre savoir et qu’Il nous réunisse ensemble en compagnie de notre bien-aimé Muhammed (salla Allahu ‘alayhi wa sallam) dans le plus haut degré du paradis.

 

Réponse :

 

Au Nom d’Allah, le Tout-Miséricordieux, le Très-Miséricordieux

Louanges à Allah, Seigneur des Mondes. Que les prières et les salutations soient sur son noble Messager ainsi que sa famille et l’ensemble de ses Compagnons.

Il n’est pas connu de la pratique des pieux prédécesseurs (salaf) de se consacrer à la roqya et de s’y spécialiser au point de devenir connu pour cela et de se démarquer des autres. Chacun d’entre eux pratiquait la roqya pour lui-même et pour ses frères en fonction de ce qu’Allah lui octroyait dans ce domaine et ce, conformément à la parole suivante du Prophète (salla Allahu ‘alayhi wa sallam) : « Que celui qui peut se rendre utile pour son frère le fasse ».

Néanmoins, s’il devient nécessaire de se consacrer à la roqya pour répondre au besoin croissant des gens en la matière, il m’apparaît alors (et Allah sait mieux), qu’il n’y a pas de mal à cela, notamment si le but recherché est de proposer une alternative légale dissuadant les gens d’avoir recours aux charlatans et également d’en faire un moyen de da’wa (prédication) et de mise en garde contre le chirk (polythéisme). Nous avons en effet constaté l’efficacité de ce genre d’initiatives dans plusieurs endroits. A vrai dire, la réalité a démontré qu’il ne suffisait pas seulement de mettre les gens en garde contre les charlatans et de les inciter à pratiquer la roqya autorisée mais qu’il fallait également leur proposer une alternative légale les encourageant à emprunter la voie du licite.

Cependant, nous tenons à attirer votre attention sur certains points :

1-   Je vous recommande, cher frère, de lire les ouvrages se rapportant à cette science et d’approfondir vos connaissances dans le domaine de la roqya en veillant à ce que chacune des pratiques auxquelles vous recourez lors de vos séances, repose sur des sources fiables. Tout ce que vous entreprenez doit être fait en connaissance de cause et guidé par la Lumière divine.

 

2-   Vous ne devez pas concentrer vos efforts exclusivement dans le domaine de la roqya : vous devez aussi les répartir dans d’autres domaines, devoirs et activités comme la prédication, les études religieuses, l’enseignement… Vous devez vous soucier des affaires des musulmans et de ce qui leur arrive.

 

3-   Vous devez vous méfier des nombreuses infractions commises par certaines personnes se consacrant à la roqya (roqât) comme le fait de se retrouver seul avec les femmes, de les fréquenter exagérément ou de se servir de ce moyen pour entrer en contact avec elles. Les frères qui pratiquent la roqya doivent bien se rappeler la parole suivante du Prophète (salla Allahu ‘alayhi wa sallam) : « Je n’ai laissé derrière moi aux hommes aucune tentation plus préjudiciable que celle des femmes ». On a entendu parler de roqât qui s’isolent avec leurs patientes sans la présence de leur mahram [2] et qui prolongent la conversation avec elles sans motif valable. Certains tentent même de toucher ou touchent vraiment le corps d’une patiente sous prétexte de pratiquer la roqya sur elle. Ceci est une grande source de tentation (fitna), nous demandons à Allah de nous en éloigner et de nous en préserver. A cet effet, il convient de rappeler que lorsque le diable prend possession d’une femme, il essayera de l’influencer au moyen de la séduction. Ainsi, il tentera de faire apparaitre les atours de son corps ou il provoquera son évanouissement afin de découvrir sa ‘awra [3], etc.

 

4-   Il ne faut pas que la roqya se transforme en un métier ou en un moyen de s’enrichir. Nous conseillons aux frères qui la pratiquent d’en espérer simplement la récompense divine et de faciliter l’accès à la roqya aux gens en comptant sur un autre moyen de subsistance indépendamment de l’exercice de celle-ci. Lorsque les gens s’apercevront qu’un râqi [4] aspire seulement à faire du bien et à le propager autour de lui et non à amasser de l’argent, j’ai bon espoir que cela les encouragera davantage à se tourner vers la roqya légiférée. De plus, le fait de pratiquer la roqya à titre gracieux fermera la porte aux profiteurs dont le seul but est de s’enrichir via ce moyen.

 

Si toutefois le râqî est dans la nécessité de prendre de l’argent en contrepartie de la roqya, qu’il ne l’accepte qu’à condition que le patient soit délivré de son mal. Ainsi, il ne prendra rien avant le rétablissement de son patient. Le fait de prendre de l’argent avant la guérison n’est pas permis. La preuve réside dans le récit suivant cité dans le recueil d’Al Bukhâri : « Abû Sa’îd (qu’Allah l’agrée) rapporte : « Un jour, un groupe de Compagnons du Prophète (salla Allahu ‘alayhi wa sallam) entreprirent un voyage et s’installèrent près d’un point d’eau où résidait une tribu arabe. Ils sollicitèrent l’hospitalité de ces derniers mais elle leur fut refusée. Puis, le chef de la tribu fut piqué par un scorpion. Les siens tentèrent par tous les moyens de le soigner mais en vain. L’un d’entre eux proposa de demander de l’aide à ce groupe de voyageurs qui s’était arrêté chez eux. « Il se pourrait que l’un d’entre eux dispose d’un remède », suggéra t-il. Ils firent venir les Compagnons et leur dirent : «  Notre chef a été piqué par un scorpion et nous avons tenté par tous les moyens de le soigner sans succès, auriez-vous un remède ? ».  Un Compagnon prit la parole et leur dit : «  Par Allah, oui, j’en connais un, je pratique la roqya. Mais nous vous avons demandé l’hospitalité et vous avez refusé de nous l’offrir, je ne pratiquerai donc pas la roqya sans que vous consentiez à nous octroyer une récompense (ju’lâ) [5]. Après négociations, les bédouins parvinrent à contenter les Compagnons en leur promettant un troupeau de moutons. Le Compagnon qui pratiquait la roqya s’approcha alors de l’homme blessé et lui récita la fatiha (Louanges à Allah Seigneur des Mondes) tout en lui soufflant dessus (nafatha) [6]. Le blessé fut aussitôt délivré de son mal ; il se leva et se mis à marcher, comme si rien ne l’avait atteint. Les arabes ordonnèrent alors à ce que ce groupe de voyageurs obtienne sa récompense. Certains Compagnons souhaitaient la partager mais celui qui avait récité le Coran leur dit de ne pas y toucher jusqu’à ce qu’ils aient retrouvé le Messager d’Allah (salla Allahu ‘alayhi wa sallam) et qu’ils lui aient raconté les faits pour savoir ce qu’il leur ordonnera de faire. Arrivés devant le Prophète (salla Allahu ‘alayhi wa sallam), ils le tinrent au courant des évènements et celui-ci leur dit : «  Et qu’en savez-vous qu’il s’agissait d’une roqya ? » [7] Puis il ajouta en riant aux éclats: « Vous avez bien fait, prenez les moutons et réservez-en moi une part » ».

 

Le fait qu’il ait dit : « le blessé fut aussitôt délivré de son mal » prouve qu’ils n’ont accepté la récompense qu’après que le malade soit guéri de sa blessure. Le hadith indique également que les Compagnons n’avaient pas pour habitude de tirer salaire de la pratique de la roqya. C’est d’ailleurs pour cela qu’ils ont bien précisé la raison pour laquelle ils ont exigé une récompense dans ce contexte : parce qu’ils avaient besoin qu’on leur offre l’hospitalité mais que celle-ci leur fut refusée. Ils n’ont d’ailleurs même pas osé toucher à cette récompense avant de consulter le Messager d’Allah à son sujet.

 

Ainsi, ce hadith ne constitue pas une preuve permettant de gagner son pain de façon absolue à travers la roqya, ce hadith prouve seulement qu’il peut être légitime d’accepter une rémunération dans certains cas. On ne connaît d’ailleurs aucune autre situation où les Compagnons auraient perçu un salaire en contrepartie de la roqya.

 

5-   La roqya collective est une innovation et sa légalité supposée ne repose sur aucune preuve tangible issue du Coran et de la Sunna. Cela ne fait pas partie de la pratique des Compagnons ni de la génération des pieux leur ayant succédé. Tout ce qui a été dit à ce sujet n’est que le fruit de l’effort de réflexion (ijtihâd) de certains contemporains. La roqya collective ne peut en aucun cas se substituer à la roqya directe. Au contraire même, elle s’est avérée contenir beaucoup de méfaits.

 

6-   Ce qui affecte le plus le jinn est la récitation du Coran, il ne convient donc en aucun cas de se détourner de cette pratique légiférée au profit d’un moyen non légiféré consistant à porter atteinte au corps du malade sans raison valable. En effet, nombreux sont les roqât qui frappent le patient ou l’étranglent afin de chasser le jinn en prétendant que le patient ne ressent rien et que seul le jinn subit ces agressions. Or, rien dans le Coran et la Sunna, ne nous est parvenu concernant la légalité de telles pratiques. Si cela renfermait le moindre bien, les salaf nous y auraient précédé et le Prophète (salla Allahu ‘alayhi wa sallam) lui-même nous l’aurait enseigné.

 

Certains invoquent les propos suivants d’Ibn Taymiyya : «  Lorsque l’homme [possédé] s’évanouit, il se met à parler une langue qu’il ne connaît pas, il peut supporter d’être frappé d’une façon si forte que même un chameau n’y résisterait pas. Il ne ressent rien des coups qu’il reçoit et n’a pas du tout conscience de ce qu’il dit ». Or, ces propos sont valables dans certains cas extrêmes de perte de connaissance et de conscience, qu’il s’agisse d’un malade possédé par un jinn ou pas d’ailleurs. Toujours est-il que même si cela peut survenir certaines fois, c’est loin de représenter la majorité des cas. Il n’est donc pas permis de porter atteinte au corps du musulman en le frappant ou en l’étranglant en se basant sur une simple supposition non avérée. D’autres encore argumentent à l’aide du propos suivant du Prophète (salla Allahu ‘alayhi wa sallam): « Je n’ai eu cesse de l’étrangler au point de ressentir sa salive coulant entre mes doigts ». Mais ce hadith n’est pas non-plus un argument en leur faveur car il s’agit ici d’étrangler le jinn lui-même et non la personne possédée.

 

Enfin, certains roqât font l’erreur de diagnostiquer les cas de possession en exerçant une forte pression sur les veines jugulaires. Ils croient que le fait d’appuyer dessus jusqu’à ce que le patient s’évanouisse prouve qu’il est bel et bien possédé. Or, ceci est totalement faux, car lorsque l’on subit une telle pression, le cerveau n’est plus irrigué c’est ce qui provoque la perte de connaissance. En effet, les cellules cérébrales sont celles qui supportent le moins longtemps d’être privées de sang, elles peuvent d’ailleurs mourir au bout de deux minutes de privation.  

 

Et Allah demeure Plus Savant.

Louanges à Allah Seigneur des Mondes.

 

Cheikh Abû Al Mundhir Ach-Chanqîtî

 

Source

 

Traduction : Oum-Ishâq

Relecture et correction : umhamza

 

 

 


[1] NDT: La traduction la plus répandue de ce terme est : exorcisme légale. Bien que l’exorcisme fasse partie intégrante de la roqya, ainsi que le traitement de toutes les maladies occultes en général (possession, sorcellerie, mauvais œil), la roqya est aussi préconisée contre tout type de mal ou de maladie, que sa nature soit occulte, organique ou psychique. « La guérison par le Coran » est donc l’une des traductions qui retranscrit au mieux le sens global de ce terme.

[2] NDT: mahram: homme interdit en mariage à jamais pour une femme.

[3] NDT: ‘awra: la partie du corps qu’il convient de couvrir.

[4] NDT: râqî (singulier), au pluriel : roqât, désigne la personne qui pratique la roqya.

[5] NDT: Ju’lâ (ou ju’âla) est un contrat par lequel une personne s’oblige à payer une récompense à qui lui rend un service aléatoire, comme, par exemple, de s’obliger à payer une récompense à une personne qui ramène un objet perdu ou un animal égaré, ou une personne qui creuse un puits pour en extraire l’eau, qui fait mémoriser le Coran à son enfant, qui soigne tel malade jusqu’à sa guérison, etc. (Voir Fiqh As-Sunna tôme 3, page 291). Ce contrat est différent d’un contrat salarial qui consiste à louer les services d’autrui durant un délai fixé et pour accomplir une chose déterminée. (Voir Fiqh As-Sunna tôme 3, page 195 : le salarié (al ajîr))

[6] NDT : Le verbe « nafatha » signifie léger souffle non accompagné de salive. L’on dit aussi que c’est un souffle accompagné d’une petite quantité de salive. C’est notamment l’avis émis par An-Nawawi dans Charh Sahih Muslim, hadith n° 2192.

[7] NDT : Sous-entendu : « comment saviez-vous que la sourate al fâtiha constituait un remède ? »

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